Discours d’Yves Derbez
Foire de Seyne-les-Alpes
Samedi 10 octobre 2015
Depuis
plus de 20 ans, on nous fait croire que la cohabitation avec le loup est
possible. On a passé beaucoup de temps à écouter les uns et les autres, à
recevoir des conseils de garde et de protection, à faire des essais. Au départ,
on a voulu faire preuve de bonne volonté, on a suivi ces conseils. Aujourd’hui
il faut l’avouer : on nous a fait palabrer
des heures inutilement dans des réunions, écouter des rapports de fonctionnaires
et pseudo-spécialistes qui, bien souvent, n’ont jamais mis les pieds sur une
estive ou même dans une exploitation... ON
NOUS A TROMPÉS.
Nous
avons entendu tous les mensonges
possibles et imaginables. On nous a dit notamment que la cohabitation se
passait bien en Espagne, en Italie et ailleurs. C’est faux ! Et le pire, c’est qu’on nous a presque fait admettre
que nous sommes de mauvais bergers, incapables de garder nos bêtes ! Et si
elles se font dévorer, c’est de notre faute, en somme…
On
a vu défiler des apprentis sorciers qui avaient tous la solution miracle, des illuminés qui venaient nous donner des
leçons et nous apprendre notre métier. Mais dans le genre folklorique, le clou du spectacle a été l’arrivée de
Christophe Castaner en 2013 ! Lui aussi, il avait SA solution : établir
la responsabilité des éleveurs et bergers pour disculper l’Etat. Lui qui
n’a jamais fait la différence entre pouvoir législatif et exécutif, s’est mis à
présider cette grande machine à palabres faite pour
amuser le public qu’est le Groupe National Loup.
Il
est bien triste et regrettable de dire que notre député C Castaner, lui aussi
nous a trompé. Mais aux médias, il s’est permis
de déclarer, je cite : " J'invite
les Eleveurs à assumer leurs responsabilités"! - "Dans leur métier, il
y a la défense du troupeau. Si ils pensent que c'est l'Etat qui va venir, qui
va réguler et qui va protéger, ils se plantent (...)".
Depuis,
il veut faire de nous des cow-boys armés,
une nouvelle fonction qui n’est prévue dans aucune école de berger, pas même
dans les formations, au contenu très discutable d’ailleurs, financées par le
Conseil Régional.
Mais
Monsieur Castaner oublie que l’Etat a des obligations régaliennes. La première
et l’une des plus fondamentales, c’est la protection des biens et des personnes !
C’est à l’Etat de protéger les troupeaux
et les exploitations, pas aux éleveurs et aux bergers de se transformer en
chasseurs professionnels, obligés de payer un permis de chasse pour défendre
leur troupeau, et leur famille !
Il
serait temps que la France applique LA
LOI : l’article L 113-1 du Code Rural stipule que « Par leur
contribution à la production, à l'emploi, à l'entretien des sols, à la
protection des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité,
l'agriculture, le pastoralisme et la forêt de montagne sont reconnus d'intérêt
général comme activités de base de la vie montagnarde et comme gestionnaires
centraux de l'espace montagnard ».
Ce
même article indique ensuite qu’« En conformité avec les dispositions des
traités instituant la Communauté économique européenne, le Gouvernement, reconnaissant ces rôles fondamentaux de
l'agriculture, du pastoralisme et de la forêt de montagne, doit s'attacher à « Assurer la pérennité des exploitations
agricoles et le maintien du pastoralisme,
en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup et de l'ours
dans les territoires exposés à ce risque. »
Depuis des décennies, les services
de l’Etat n’ont JAMAIS respecté les obligations liées à cet article !
Depuis
plus de 20 ans, nous sommes sans arrêt critiqués et humiliés. On nous fait
passer pour de mauvais bergers. Pourtant, au cours du séminaire organisé par le
CERPAM et la Chambre d’Agriculture des Alpes-Maritimes à Valdeblore, il a été démontré
qu’il est IMPOSSIBLE pour nous d’aller plus loin en matière de protection.
Laurent Garde, écologue au CERPAM, le répète fort justement : nous sommes arrivés
au bout de ce qu’il était possible
de faire. Les services de l’Etat étaient tous représentés à Valdeblore mais tout
ce beau monde fait comme s’il n’avait rien entendu…
En
matière de loup, le constat, après plus de 20 ans d’observations, est simple,
et contrairement à ce qu’on a voulu nous fait croire, il est identique dans tous les pays européens : la
cohabitation n’est PAS POSSIBLE ! Il va falloir qu’on fasse des choix
en modifiant notre législation. Que veut-on ? Du pastoralisme et de
l’élevage de montagne de qualité, ou bien des loups ? Avoir les deux à la
fois, c’est impossible !
Si
l’Etat choisit le pastoralisme et des productions de qualité, il doit en tirer
les mêmes conséquences que nos anciens : c’est-à-dire l’éradication du loup. En fait, on ne sait même pas s’il s’agit
vraiment de loups ou de chiens-loups puisqu’aucune étude n’existe. Rien n’a été
fait depuis la dernière recommandation de la Convention de Berne concernant les
hybrides.
Pour
notre part, nous optons pour une éradication
rapide du loup et la mise en place d’un grand plan de développement du
pastoralisme et de l’élevage de qualité en montagne, toutes filières confondues.
Ça
fait plus de 20 ans que notre sort est directement lié à celui des loups. Ça a trop
duré ! A l’exception de quelques associations extrémistes qui militent
pour le « tout sauvage », sans présence humaine, associations toujours
très largement subventionnées par les pouvoirs publics, nous savons tous que
l’élevage de montagne contribue « à l'entretien des sols, à la protection
des paysages, à la gestion et au développement de la biodiversité ». Alors
pourquoi ne fait-on rien pour en assurer
le développement ?
Nous
avons des cabanes lamentables, souvent
sans eaux et sans toilettes. On nous impose de fait des bergers permanents
alors que nous ne sommes pas en mesure de respecter la législation du travail
en matière de logement des salariés et de la protection sanitaire des
personnes. Rien, ou si peu, n’a été fait en matière de communication GSM et numérique alors que la gestion
d’une exploitation passe aujourd’hui impérativement par Internet. De trop
nombreuses estives ne sont toujours pas désenclavées ce qui rend de plus en
plus difficile de trouver des bergers salariés….
La
liste de nos difficultés est encore longue, très longue, sans parler de la
formation et de l’installation des jeunes dans un contexte que les pouvoirs
publics, seuls responsables, ont rendu lamentable.
En
regard de ces besoins pour la survie de nos alpages, pour la vie de nos vallées,
on apprend [séminaire du 24 septembre au Conseil départemental] qu’au titre des
fonds FEADER, destinés au développement rural en Paca, 32 M€ sont affectés à la
prédation (oui je répète 32 M€) et 4 pauvres petits millions au pastoralisme. N’était-ce pas une véritable
provocation ???
Le développement du pastoralisme
dans un contexte de développement durable est le seul garant du développement
de la biodiversité, de la paix sociale et de l’avenir économique de nos
vallées. L’agriculture de montagne est le complément indispensable au développement touristique par le maintien d’une vie
valléenne, de liens sociaux avec les citadins et la fabrication de produits de qualité.
Il
nous parait indispensable de très vite penser à l’avenir en élaborant un grand plan de développement du
pastoralisme à l’échelle de la région. Il faut abandonner les palabres
inutiles autour de la gestion des chiens de protection, de plus en plus
problématique pour le tourisme. Arrêtons ces stratégies administratives toutes
plus délirantes les unes que les
autres qu’on cherche à nous faire avaler au sein de ce machin sans consistance
juridique qu’est le GNL.
Il
faut passer à la vitesse supérieure à partir de structures légales telles que
le Comité de massif. Les Pyrénéens
l’ont fait en supprimant le Groupe National Ours. Pourquoi pas nous ? Il
faut aussi que nos chambres consulaires se mettent au travail pour élaborer un
plan partagé entre tous. Notre avenir professionnel ne doit plus dépendre
uniquement de l’environnement et des DREAL. Nous pourrons voir, au moins une
fois dans notre vie, un Ministre de l’agriculture venir enfin sur le terrain,
parler avec nous de développement de
l’agriculture de montagne et non des loups.
Il
est insupportable de constater que
depuis plus de 20 ans, seul le loup s’impose au nom d’un grand mensonge mis en
place par quelques hauts fonctionnaires aidés par les idéologues du tout
sauvage. Une lettre du Président de la République François Hollande et une
autre de la Ministre de l’écologie, Ségolène Royal, prouvent sans la moindre ambiguïté,
qu’il y a bien eu introduction. Le témoignage enregistré et filmé d’un garde du
Parc des Abruzzes le confirme ainsi que de nombreux autres faits. Cessons de
nier cette réalité et posons-nous les deux vraies questions majeures pour
notre avenir :
Que veut-on faire de
nos territoires de montagne ? Qui
doit décider de notre avenir, de notre vie et nos modes de travail ?
Soit
nous sommes dans une République démocratique et c’est à nous, habitants des vallées, d’en décider, et à nous, éleveurs, de
dire de quelle manière nous voulons et pouvons travailler, soit nous sommes
dans une dictature et tout nous est imposé par le haut comme l’a été le loup en
1992 et probablement avant.
Ça
fait 20 ans qu’on écoute des apprentis sorciers, souvent directement
responsables de cette catastrophe écologique, sociale et économique. Ça
suffit ! La seule chose qui ait évolué positivement, ce sont les chiffres
des prédations. Le temps des palabres, des rapports sans lendemain, de dizaines
de millions gaspillés de fonctionnaires qui
cherchent seulement à justifier leurs postes, doit cesser. Aujourd’hui, la seule
solution acceptable est celle choisie par nos anciens : l’éradication du loup et rapidement.
Cette
page stupide de notre histoire, créée de toutes pièces par des idéologues et
fonctionnaires irresponsables, doit être
tournée. C’est à l’Etat d’assumer
pleinement ses responsabilités en
faisant respecter notre législation en faveur de l’élevage de montagne. C’est aux
élus, notamment régionaux,
départementaux et consulaires, de prendre des initiatives de projets de développement,
comme d’autres massifs ont su le faire avant nous et avec des résultats.
Monsieur
le Préfet et Messieurs les élus, nous
avons un grand chantier à lancer pour l’avenir de nos territoires mais aussi de
nos familles ! Nous avons pris 20
ans de retard dans de nombreux domaines. Alors, soit nous relevons le défi,
soit nous abandonnons. La balle n’est pas seulement dans le camp des éleveurs.
Elle est aussi et surtout dans votre
camp !
Nous
devons passer à une phase de reconstruction,
sans l’intervention de charlatans et d’amateurs, avec un grand plan régional de
développement discuté, élaboré et partagé entre professionnels.
Mesdames
et messieurs les élus, c’est cela que nous attendons. Rien d’autre !
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« Seul
le discours prononcé fait foi »
merci a Yves de nous avoir transmis son discours
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