Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Mme Bernadette Laclais,
rapporteure. Avis défavorable. Ces amendements visent à supprimer le cadre juridique que le Conseil d’État a prévu pour protéger d’un risque de contentieux l’adaptation de la lutte contre le loup en montagne. Il nous semble préférable de conserver ce cadre dans le texte de loi, de manière à garder cette référence juridique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier. Ce sont de bons amendements et je les soutiens. Il faut réguler la présence du loup sur les territoires, notamment les territoires d’élevage, car c’est un vrai souci pour nos agriculteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala. Sur ces sujets, nous avons vraiment besoin que le Gouvernement pèse. Nous sommes plusieurs à avoir entrepris des démarches après des problèmes survenus dans des troupeaux qu’il est impossible de protéger – j’insiste car cette question ne cesse d’être posée. Si le Gouvernement ne nous appuie pas, au moins, pour que le niveau de protection des espèces soit adapté en fonction des massifs, nous allons au-devant de graves problèmes.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Le Gouvernement vous appuie, ô combien ! Avant que la ministre Ségolène Royal ne prenne ses décisions courageuses, le prélèvement autorisé était de douze loups par an mais, dans la réalité, on n’en prélevait que trois ou quatre – et encore, quand tout allait bien.
M. Charles-Ange Ginesy. C’est juste.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Elle a porté le nombre à trente-six et ce sont bien trente-six loups qui sont prélevés.
M. Jean-Pierre Vigier. Il faut aller plus loin.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Nous sommes donc dans le cadre d’une politique de lutte contre les prédateurs dynamique, efficace et équilibrée. S’il est nécessaire d’aller plus loin, il faudra en reparler avec la ministre de l’écologie – je sais d’ailleurs que vous en discutez en permanence. Mais ces équilibres ne sauraient être remis en cause au détour d’un amendement à la loi montagne, d’autant, vous le savez bien, que ces questions s’inscrivent dans un environnement juridique européen.
Bref, le Gouvernement est très sensible aux arguments développés et très conscient du problème, qu’il s’agisse des loups dans les Alpes et les Pyrénées ou des ours dans les Pyrénées, madame Dubié. Néanmoins, il faut agir de manière rationnelle, réfléchie et raisonnée.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Nous débattrons d’autres amendements sur ce sujet, mais nous ne pouvons passer sur la problématique de la prédation du loup. Effectivement, il y a la convention de Berne et la directive communautaire, mais il y a aussi l’ambiguïté du Gouvernement.
Mme Sophie Errante. Les explications du ministre ont pourtant été claires !
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le ministre de l’agriculture affirme qu’il faut « éduquer le loup » ; cela donne une idée du niveau... La ministre Ségolène Royal, elle, reconnaît qu’il faut améliorer la lutte contre la prédation mais, dans le même temps, elle finance avec de l’argent public toutes les associations, dites de protection de la nature, qui défèrent des arrêtés préfectoraux :…
M. Bernard Accoyer. C’est vrai !
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …Ferus, Ligue pour la protection des oiseaux, Humanité et biodiversité, France nature environnement, One Voice, Association pour la protection des animaux sauvages.
M. Bernard Accoyer. Pauvre contribuable ! Il doit payer de tous les côtés !
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. À un moment donné, il faut arrêter. Selon le ministre de l’agriculture, l’État versait 8 millions d’euros d’indemnisation il y a dix ans ; aujourd’hui, les agriculteurs victimes de prédation reçoivent 22 millions d’euros. C’est bien la preuve que le loup prolifère.
Monsieur le ministre, il faut que l’État parle d’une seule voix et apporte son concours à la protection des élevages.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Il le fait !
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. En Lozère et dans le Gard, l’UNESCO a reconnu la protection de l’agropastoralisme. Selon ses inspecteurs eux-mêmes, on ne peut continuer à laisser divaguer le loup sur ces territoires. Si l’UNESCO le dit, il faudrait tout de même que le ministre de l’aménagement du territoire en fasse de même.
M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Je voudrais rappeler quelques réalités à nos collègues.
Tout d’abord, les associations de défense de l’environnement œuvrent dans le cadre de la loi : comme tout un chacun, elles respectent la législation.
Ensuite, il existe des lois qui transcendent les lois nationales, je veux parler des directives européennes. Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à rappeler les obligations découlant de la convention de Berne et de ces directives.
M. Arnaud Viala. Oh !
Mme Danielle Auroi. Je ne comprends pas qu’en Espagne ou en Italie, on n’ait pas de soucis et on arrive à négocier la régulation du loup et d’autres espèces.
M. Arnaud Viala. C’est faux !
Mme Karine Berger. Dans ces pays, on tue les loups !
Mme Danielle Auroi. Par ailleurs, le problème de l’agropastoralisme est en réalité celui du pastoralisme. Peut-être faudrait-il que nous ayons le courage de nous interroger tous ensemble : où en sommes-nous par rapport aux bergers ? Mme Royal a pris des arrêtés fixant à trente-six loups le prélèvement maximal et nous nous sommes montrés plutôt bienveillants à ce sujet. Mais aller au-delà reviendrait, pour le coup, à s’exposer à de grosses difficultés au regard de la convention de Berne comme des directives européennes. Je suis désolée mais toute association qui portera plainte à ce sujet devant la Cour de justice de l’Union européenne se trouvera confortée.
Alors trouvons le bon équilibre. Je crois que c’est ce que Mmes les rapporteures ont essayé de faire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, rapporteure.
Mme Annie Genevard,
rapporteure. Nous entendons l’argument juridique exposé par Mme Auroi et le ministre.
Néanmoins, lors de la discussion sur la loi d’avenir pour l’agriculture, le ministre a reconnu que la question était pertinente et qu’il fallait réinterroger les normes européennes, notamment celles imposées par la convention de Berne et la directive habitats. Au vu des menaces qui pèsent sur le pastoralisme, il est vraiment légitime de réinterroger tous les textes qui fondent la régulation des grands prédateurs.
Mme Danielle Auroi. Il faut davantage de bergers !
Mme Annie Genevard,
rapporteure. J’ajoute, madame Auroi, que, contrairement à ce que vous affirmez, il existe des graves problèmes en Italie, notamment dans les Abruzzes ; c’est un fait avéré, établi par des études parfaitement fiables.
Tout en comprenant les raisons juridiques, monsieur le ministre, nous en appelons à vous pour que cette question soit véritablement mise sur la table avec vos collègues chargés de l’écologie et de l’agriculture. Il y va de l’avenir du pastoralisme. On ne peut, dans un même texte, affirmer que l’on défend le pastoralisme en montagne et ne pas considérer que la question de la lutte contre le loup est pertinente.
M. Lionel Tardy. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Vigier. C’est une priorité pour les agriculteurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Karine Berger.
Mme Karine Berger. Nous reconnaissons tous que les efforts accomplis pour lutter contre le prédateur sont conséquents et très novateurs par rapport aux années précédentes, monsieur le ministre. Le problème est que l’inaction des années précédentes nous place dans une situation désespérée.
(Approbations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Les loups se sont reproduits massivement dans nos montagnes.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Exactement !
Mme Karine Berger. La seule solution, désormais, est de considérer qu’il ne peut plus être question d’espèce protégée. L’espèce à protéger, ce n’est plus le loup, ce sont les brebis !
M. Bernard Accoyer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Vigier. Bravo !
Mme Karine Berger. Quelles que soient les responsabilités des uns et des autres – et celle de Mme Kosciusko-Morizet, lorsqu’elle était ministre, il y a quelques années, est historique en la matière –, il s’agit maintenant d’en revenir à la réalité des territoires de montagne : aujourd’hui, le loup est un prédateur qui massacre le pastoralisme et qui finira par le faire disparaître si nous ne faisons rien à l’occasion de ce texte.
Mme Danielle Auroi. Il faut aussi davantage de bergers ! Ne l’oubliez pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles-Ange Ginesy.
M. Charles-Ange Ginesy. Je vous remercie, madame la présidente, de m’accorder la parole sur un sujet qui, aussi important soit-il, ne doit pas enflammer les débats relatif à ce projet de loi montagne.
Si des avancées considérables ont effectivement été enregistrées en matière de prélèvements et de régulation de la population de loups, l’hémorragie n’est pas jugulée : l’agropastoralisme se dégrade toujours et les éleveurs continuent de subir des dégâts considérables. Il faut donc continuer à exercer une pression sur les prélèvements et la régulation, monsieur le ministre. Si, de concert avec d’autres élus, je demande la révision de la convention de Berne, au moins pour sortir le loup de la liste des espèces protégées au niveau européen, c’est parce que je suis de ceux qui considèrent que l’activité économique de nos éleveurs doit être protégée en permanence.
En attendant, vu le coût de la régulation du loup par les services de l’État et des indemnités versées – 9 millions d’euros pour les indemnités, 20 millions en y ajoutant les mesures de protection –, il est vraiment essentiel d’engager un processus, dans le cadre de cet acte II de la législation relative à la montagne, pour protéger nos éleveurs tout en maintenant l’ouverture de nos milieux.
La demande prioritaire est la révision de la convention de Berne et de la directive habitats, mais il faut y ajouter des mesures incitant les préfets à mener à bien les prélèvements et la régulation des loups sur le territoire.
(Les amendements identiques nos 277, 323 et 528 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 382, 48, 363 et 428 tombent.)
Mme Danielle Auroi. Vous remettez en cause la convention de Berne ! Il faut donner une conférence de presse !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n
os 379 et 360, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour les soutenir.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, vous avez dit, au début de cette discussion, que vous aviez l’habitude de parler fort car vous croyez à ce que vous faites. Dans les propos que j’ai tenus il y a quelques instants, j’ai moi-même fait montre d’une certaine passion au sujet de la problématique du loup.
Pour répondre à l’une de nos collègues, la convention de Berne et la directive communautaire prévoient des dérogations. Or la France, État membre, n’applique pas toutes les dérogations possibles en matière de lutte contre la prédation du loup.
Comme a pu le dire Arnaud Viala, notre problématique, dans des territoires comme la Lozère, tient à la notion de troupeau non protégeable. On demande aux agriculteurs de prendre des mesures de protection : patous, enclos, filets, etc. Cela ne suffit pas, le loup continue sa prédation. Des tirs de prélèvement sont donc demandés. Ces tirs, nous vous proposons d’en laisser la décision au maire. Je précise que trente-trois départements sont concernés.
J’ai bien noté ce que vous avez dit, madame la rapporteure. Mais que répondez-vous au maire de Chichilianne, en Isère, commune dans laquelle une personne de cinquante-sept ans a été attaquée et blessée par un patou ? Du fait de la responsabilité incombant aux maires, celui de Chichilianne est aujourd’hui déféré devant les tribunaux judiciaires, ainsi que la commune.
Ce que je vous propose, à travers cet amendement et quelques autres, c’est d’étendre au maire, dans le cadre d’un pouvoir de police générale, de police administrative, la possibilité de constater les dégâts et de prendre toute mesure utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
Mme Annie Genevard,
rapporteure. Monsieur le député, nous sommes tous, dans cet hémicycle, très conscients de la gravité de la situation de nos éleveurs en raison de la prolifération du loup – qui, je partage cet avis, n’est à l’évidence plus une espèce menacée.
Je sais aussi l’incident grave qui s’est produit avec un patou : c’est effectivement un chien dangereux.
Votre amendement a pour objet de transférer au maire les pouvoirs du préfet. Cela sort donc du cadre général de la lutte contre le loup. Sur ce point, ma collègue a répondu, mais je vous invite à considérer que les amendements adoptés à l’instant ne sont pas anecdotiques. Le texte contient l’affirmation d’une gestion différenciée selon les massifs, c’est déjà un élément très important.
M. Laurent Wauquiez. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Mme Annie Genevard,
rapporteure. Cela signifie qu’en fonction de la prolifération, de la pullulation du loup, on autorisera davantage de tirs là où le danger sera le plus manifeste.
Nous venons également d’adopter la suppression de la mention du cadre légal ainsi que l’indemnisation des éleveurs.
Sur le sujet de la lutte contre le loup, tout ce que nous venons d’adopter est tout de même important. L’avis de la commission est donc défavorable, comme sur l’amendement précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Même avis, pour les mêmes raisons, en ajoutant un commentaire. Si nous conférons au maire le droit de faire abattre les loups, sa responsabilité sera engagée davantage encore : on pourra lui reprocher de ne pas en avoir détruit assez, par exemple. Je pense qu’il faut rester dans le cadre de la loi en vigueur, pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez. Pardonnez-nous d’insister, madame la présidente, mais l’examen de cet article est l’un des moments-clés de ce projet de loi.
Un certain nombre de collègues parlementaires et moi-même étions au salon de l’élevage, mercredi dernier. Les agriculteurs sont désespérés. Lorsqu’un agriculteur qui a du mal à boucler ses revenus vous explique que son troupeau fait l’objet de contrôles incessants de la part de l’administration sur les questions relatives au bien-être animal, mais que, lorsqu’il subit des attaques de loups laissant les bêtes avec la carotide à l’air pendant douze heures, on lui dit que ce n’est pas un problème et que cela fait partie de la vie, il juge cela inacceptable et incompréhensible.
Je crois que nous nous heurtons à trois absurdités. Première absurdité : d’un côté, on prône le bien-être animal mais, de l’autre, on expose nos troupeaux aux prédateurs. Deuxième absurdité : on demande aux agriculteurs de ne pas s’inquiéter puisqu’ils sont indemnisés ; mais ils ne demandent pas cela, ils demandent que l’on respecte leur travail, ils demandent à en vivre. Troisième absurdité : on prévoit des solutions de remplacement, fort bien détaillées par Pierre Morel-A-L’Huissier, qui s’avèrent parfois plus dangereuses, comme celle du patou, véritable folie. Les patous sont des chiens extrêmement dangereux et un certain nombre d’agressions, y compris contre des enfants, ont eu lieu dans les Alpes. Demandez aux députés alpins, ils vous expliqueront ce qu’est un patou et les difficultés auxquelles ils peuvent donner lieu !
Ce texte contient quelques avancées, très bien, mais la seule question qui compte pour les habitants de ces territoires est la suivante : demain, y aura-t-il moins de loups ou, au contraire, des meutes toujours plus grosses ? Je crains que nous ne soyons pas encore au niveau, même si nous avançons. Tout ce qui va dans le sens d’une amélioration et d’une simplification de la procédure préalable aux tirs va dans la bonne direction.
M. Charles-Ange Ginesy. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.
M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Concernant la responsabilité des maires, je vous demande, monsieur le ministre, de vous mettre à la place d’un maire, comme celui de Prévenchères, en Lozère, commune de cent quatre-vingts habitants dont l’économie repose en totalité sur l’élevage. Ce maire, sous mon impulsion, je l’avoue, a pris un arrêté autorisant les tirs. Normalement, il revenait au préfet de prendre un arrêté, mais il a attendu quatre mois pour le faire ; le maire, qui se trouve face aux éleveurs, a donc dû prendre position.
Je parle avec fermeté et émotion car il est arrivé, dans un département, que cent éleveurs, âgés de 50 ou 55 ans, se réunissent avec le préfet et le député pour leur montrer des bêtes qui avaient été abîmées et se mettent à pleurer. Comment ne pas tenir compte de cette situation humaine ? Je vous demande un peu d’humanité, monsieur le ministre : sur nos territoires, des hommes et des femmes vivent de l’élevage, et il faut les aider.
Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Auroi.
Mme Danielle Auroi. Je soutiens la position des rapporteures et du ministre. Moi aussi, je suis allée au salon de l’élevage, vous le savez, cher collègue Wauquiez, puisque nous nous y sommes croisés. J’ai aussi entendu des éleveurs dire qu’il n’y avait plus suffisamment de bergers, d’éleveurs formés pour assurer le gardiennage.
(Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)Je comprends bien que certains collègues veuillent absolument détruire une espèce – qui trouvera d’ailleurs des solutions pour survivre, car elle est intelligente.
Pour ma part, comme les rapporteures, je plaide très honnêtement pour que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous travaillions sur l’élevage de montagne. Nous devons retrouver un peu plus de sérénité, notamment en reconnaissant l’efficacité des chiens patous, qui, quand ils sont bien élevés et encadrés par les bergers, ne posent aucun souci.
M. Bernard Accoyer. Ce sont des énormités !
Mme Cécile Untermaier. L’obligation de dressage s’impose.
Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud Viala. Je veux évoquer deux points.
D’abord, il faut absolument que nous proposions aux éleveurs des mesures applicables immédiatement, car la tension monte. Dans plusieurs départements, dont la Lozère et l’Aveyron…
M. Laurent Wauquiez. Et la Haute-Loire !
M. Arnaud Viala. …et la Haute-Loire, en effet, des manifestations de mécontentement ont conduit au blocage des autoroutes. Aujourd’hui, les éleveurs et leurs représentants, même s’ils comprennent très bien les règles, comptent sur nous pour proposer des mesures immédiatement applicables. Pourquoi ? Parce que le nombre de loups a tellement augmenté que non seulement l’espèce ne mérite plus d’être protégée, mais qu’elle devient même invasive et dangereuse.
Je tiens à dire à Mme Auroi, qui s’est exprimée trois fois sur le pastoralisme, que ses propos sont extrêmement choquants.
Mme Michèle Bonneton. Ce sont les vôtres qui nous choquent !
M. Arnaud Viala. En aucun cas elle ne peut mettre en cause les bergers ni la façon dont ils s’occupent de leurs troupeaux.
Mme Cécile Untermaier. Ce n’est pas ce qu’elle a dit !
M. Arnaud Viala. En tout cas, chère collègue, je vous conseille de ne pas tenir ces discours sur nos territoires, car vous risqueriez de vous mettre en difficulté !
M. Laurent Wauquiez. Bien sûr !
M. Arnaud Viala. Les bergers ont montré leur savoir-faire depuis des décennies, voire des siècles. Aujourd’hui, s’ils ne peuvent plus protéger les troupeaux, c’est parce que les prédateurs sont devenus trop nombreux.
(Exclamations sur divers bancs.)
M. Laurent Wauquiez. Très bien !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme. Restons sur le fond du débat sans nous invectiver d’une travée à l’autre.
Mme Danielle Auroi. C’est ce qu’ils font !
Mme la présidente. Alors, appréciez quand je demande à nos collègues de cesser !
La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine Dubié. J’apporterai moi aussi un témoignage. Nos collègues ont évoqué les dégâts provoqués par les loups. Ceux que provoque l’ours dans les troupeaux de montagne ne sont pas moins importants, je tiens à le dire. Cet été, à la suite d’une attaque d’ours, 123 brebis, sur un troupeau de 300, ont déroché et se sont retrouvées au bas du ravin. Au-delà de la perte évidente qu’il subit, l’agriculteur voit aussi disparaître en un instant dix ans de travail génétique. Il s’agissait en effet d’un troupeau en AOP – appellation d’origine protégée –, dans la région de Barèges-Gavarnie. D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez pu constater la détresse de cet éleveur, puisque vous l’avez rencontré.
Avec ce texte, nous avons déjà bien progressé en faisant adopter des mesures de protection adaptées à la spécificité de chaque massif et de chaque méthode d’élevage. Il faut maintenant nous montrer raisonnables et nous garder d’imposer aux maires une obligation supplémentaire. Quand des dégâts surviennent, la tension est très forte, et les maires portent déjà un fardeau suffisamment lourd sur leurs épaules.
M. Joël Giraud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Je soutiens vivement cet amendement, qui va dans le bon sens, puisqu’il vise à fixer un cadre de responsabilité et d’efficacité. Dans la montagne tarnaise, où plus de 40 % des actifs travaillent dans le secteur de l’élevage – et même davantage dans certaines communes –, soit un taux dix fois supérieur à la moyenne nationale, toute perturbation de l’écosystème a des conséquences économiques catastrophiques pour l’ensemble du territoire.
Nous devons mettre en place un schéma de protection. Si le loup était une espèce menacée, je comprendrais la position de nos collègues, mais ce n’est pas le cas. Je l’ai dit : dans certains secteurs, cette espèce devient même invasive. La protection intégrale dont elle bénéficie dans les parcs nationaux, ainsi que dans des secteurs où les éleveurs ne rencontrent pas de difficulté, s’explique très bien. Toutefois, ailleurs, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Sur le terrain, qui peut le faire mieux que le maire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure.
Mme Bernadette Laclais,
rapporteure. Personne ici ne nie que les éleveurs vivent dans une situation très difficile et, même au sein des associations, personne ne prétend que, dans nos massifs, le loup soit encore une espèce en voie de disparition.
La question que pose l’amendement est de savoir si c’est au maire de prendre la responsabilité du tir. À cet égard, j’appelle votre attention sur trois points.
Beaucoup de maires ont déjà le sentiment que leur barque est lourde, qu’ils doivent exercer des responsabilités considérables. Ils n’apprécieraient pas, je crois, que nous leur en imposions de nouvelles, au détour d’un amendement, sans avoir consulté au préalable l’Association des maires de France ni les associations des territoires concernés.
D’autre part, le loup ne connaît pas les limites des communes. Comment garantir que tous les maires prendront le même arrêté au même moment et dans les mêmes conditions ? Lorsque le loup sera tiré, sera-t-il sur le territoire de la commune dont le maire aura pris l’arrêté ? Seul le préfet peut garantir l’unité de la réglementation sur le territoire. La disposition proposée par l’amendement ne me semble donc pas opportune.
Enfin, quelqu’un a demandé, tout à l’heure, la signification de la gestion différenciée. Je fais observer que nous avons tous eu des réunions sur nos territoires et que certains préfets ont su en organiser très rapidement et mobiliser les brigades de lutte contre le loup. Grâce à eux, le travail se fait efficacement dans les départements, monsieur le ministre. Pour comprendre ce qu’est la gestion différenciée, il suffit de regarder les cartes : il n’existe pas de corrélation parfaite entre les massifs où il y a le plus d’attaques, ceux où il y a le plus de loups et ceux où il y a le plus de tirs. Il faut donc instituer la possibilité de tirer là où se concentrent les attaques, ce qui permet d’être plus réactif dans des situations d’extrême urgence. Quand on arrive à une trentaine de loups à prélever – trente-six en 2016 et 2017 –, il est important de les tirer là où c’est le plus nécessaire.
Pour ces trois raisons, je pense que nous devons nous en tenir aux mesures que nous avons proposées et ne pas adopter ces amendements. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme Marie-Noëlle Battistel. Très bien ! L’argumentation est claire et rigoureuse !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Voici quelques commentaires supplémentaires. Permettez au ministre chargé des collectivités territoriales de vous le dire : puisqu’il est question d’espèces en voie de disparition, si l’on continue à charger la barque, les maires en feront bientôt partie.
Dans ces affaires, les risques contentieux seront considérables. Dans les villages et les petites villes, la moitié de la population se dressera contre l’autre moitié, sans compter les associations environnementales. Le maire sera sollicité, alors même qu’il y a des quotas nationaux à respecter, ce qui créera encore de nouveaux contentieux. Bref, il sera entre le marteau et l’enclume.
M. Laurent Wauquiez. Nous sommes d’accord.
M. Jean-Michel Baylet,
ministre. Vous allez organiser des situations intenables pour les maires et les conseils municipaux. Le maire exerce des compétences et des responsabilités. Par les temps qui courent, en tant qu’officier de police judiciaire, il en a bien assez sur les épaules. N’en rajoutons pas avec les prédateurs !
Mme Marie-Noëlle Battistel. Très bien !
Mme Cécile Untermaier. Ces amendements sont absurdes !
(L’amendement no 379 et 360, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’article 16, amendé, est adopté.)